Arrivés (vivants) à Nizwa, de retour chez Souleiman, nous restons dans la voiture, je récupère juste de quoi faire un biberon, et nous partons chez les parents de Souleiman. Ils habitent à quelques centaines de mètres de là. L’endroit est enchanteur. La maison est sise sur une palmeraie. Entre les palmiers, poussent des épis de maïs, l’endroit est vert et ombragé, ce qui est rare dans un pays désertique. La maison qui a été très belle est polie par les ans, fissurée, mais chargée d’histoire. Les parents de Souleiman y vivent, avec deux de leurs fils, et une fille. Ces trois enfants sont mariés et ont des enfants. Ils vivent donc à 21, trois générations confondues. Ici, pas de fantaisie, je prends l’entrée des femmes, Christophe entre chez les hommes. J’ôte mes chaussures, et me présente à 5 ou 6 femmes et jeunes filles. Toutes portent une longue robe couvrant les bras, et tombant jusqu’aux pieds. Elles portent un foulard qui laisse apparaître le bas du front, le visage jusqu’au menton, et elles ont toutes un pantalon serré aux chevilles qu’on devine lorsqu’elles s’assoient.
Il est 15 heures, et peu de temps après mon arrivée, on dresse « la table » (toujours par terre, cette fois, la nappe est une sorte de sac poubelle vendu en rouleaux, et qui forme un carré de 120x120 cm). Cette fois, on nous sert le plat national, à base de riz parfumé et luisant d’huile, accompagné de poulet grillé. Il y aun plat rond, et tout le monde se sert attrapant des poignées de riz avec les doigts. Je refuse la cuillère qu’on me propose, je leur affirme que c’est la première fois de ma vie que je mange avec mes doigts (ouhhhhhhhhhhh, la menteuse, fidèle consommatrice de MAC’ Do et autres restaurants gastronomiques américains !) L’une d’elle parle bien l’anglais, elle a une vingtaine d’années, et vit encore chez son père, un frère de Souleiman. Elle rêverait d’apprendre le Français, mais on lui a dit que c’était une langue très difficile. Et il faut aller à Mascate, à 150 kilomètres de là. On me propose de la mangue, j’accepte et la goûte sans me méfier…Nigaude que je suis ! Je me retrouve avec le visage cramoisi, les larmes aux yeux, et elles se moquent de moi…elles me narguent gentiment en croquant dans des piments verts crus…La mangue était donc épicée, mais très peu, d’après elles ! Je ne renouvelle pas l’expérience, me contentant de riz et poulet ! Puis on passe au café, accompagné du Alwa, toujours aussi gras et sucré…Le café est très léger, mais sans parfum. On me propose une ultime sucrerie, sorte de meringue à la noix de coco. C’est très bon, mais je suis incapable d’avaler quoi que ce soit !La mère de Souleiman arrive dans la pièce. Ses yeux sont mi clos, elle est aveugle. Alix est terrorisée, pousse des cris, la contourne. Je suis obligée d’expliquer aux femmes pourquoi elle crie. Ca ne les choque pas du tout, elles font preuve d’une empathie extraordinaire, et le handicap semble être accepté comme une volonté divine. On ne tourne pas autour du pot !Pendant le temps du repas, je pensais que Jean était avec la maid Indienne, à qui je l’avais confié. Au bout d’un moment, je m’aperçois qu’elle est dans la même pièce que nous, un peu en arrière, sans Jean. Il est avec Mohamed, 10 ans, qui le promène dans le jardin, suivi de près par Henri qui s’inquiète du sort de son petit frère. J’apprendrai ainsi le lendemain que Mohamed voulait installer Jean sur une balançoire, et qu’Henri l’en a empêché. Du coup, Mohamed l’a pris sur ses genoux, et s’est balancé avec lui, déclenchant des rires, d’après Henri.Je somnole assise contre le mur, on me propose une chambre pour dormir…C’est vrai que la nuit au camping a été un peu hachée. Mais que d’aventures…On attend le retour des hommes, partis à une séance de condoléances dans une famille où un garçon de 20 ans s’est tué la veille dans un accident de voiture. Christophe ne comprendra qu’à la fin des salutations que c’était de cela qu’il s’agissait.Les statistiques de mortalité sur la route sont effroyables. Et pourtant, ni les enfants de moins de 18 ans sont comptés, ni les adultes qui décèdent des suites de leurs blessures à l’hôpital.
Après cette petite parenthèse, nous remontons dans le carrosse de notre hôte, laissant son épouse et ses 2 filles aînées, ainsi que le bébé, pour nous rendre sur la place de Nizwa, pour un marché consacré aux enfants. Les garçons de Souleiman ont pris leur argent. Ils savent que chaque année après l’Eïd, ils vont pouvoir se rendre à ce marché pour y trouver des armes et leurs munitions. Ils ont également revêtu leurs nouveaux vêtements, reçus pour la fête de fin du jeûne, des jeans bariolés et des polos rayés. Amahyma porte également un nouveau jean, et un t-shirt du meilleur goût. Sa maman l’a coiffée devant moi, à l’aide d’un peigne rustique et d’une sorte de gomina poisseuse qui donne aux cheveux un aspect crasseux, plutôt éloigné de nos canons. Arrivés sur la place, nous tentons de nous frayer un chemin parmi cette foule d’Omanais. Nous sommes les seuls occidentaux, et les seuls adultes ! (Hormis les tenanciers indiens de ces stands offrants des jouets à bas prix, made in China) Les épées offertes aux enfants dureront moins de 24 heures pour les nôtres. Mohamed s’achète un pistolet, et ses pétards. Il le pointe vers tout le monde, vers Jean, vers son père qui fronce les sourcils ! (premier geste de désapprobation depuis ce matin !)Pendant ce temps, sur la place principale, se joue une danse de guerriers : les hommes sont en dishdacha et turban (ils ont abandonné la Kouma, plus rapide à enfiler pour le turban au nouage complexe et précis) ils portent le poignard recourbé, dont le poignet et le fourreau sont en argent ciselé et gravé de mille détails, certains portent également une cartouchière en guise de ceinture. Ils tiennent un sabre à la verticale, pointe vers le ciel, et ils le font vibrer en cadence, chantant une mélopée répétitive. Ils sont en deux lignes, face à face, et se répondent. L’un d’entre eux porte un bébé d’un an, ils sont tous adultes, mais différents âges se côtoient. Les plus âgés portent une barbe blanche qui leur donne une allure folle. Ce spectacle est fascinant, quoique assez répétitif !Après l’ajout d’eau dans notre radiateur qui nous joue des tours, nous quittons Souleiman pour rejoindre notre hôtel à la sortie de Nizwa. Nous dînons sur place, sans grande conviction, et savourons le confort d’une douche, puis d’un lit après notre folle journée en immersion dans une famille Omanaise !
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